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Le Faubourg de l’Est, berceau du grand métissage mauricien

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Par Joël Toussaint

C’est dans l’ancien « Faubourg de l’Est », à Port-Louis, que l’on peut situer le point de départ du métissage de la population mauricienne. On y trouve, dès le début de la colonie, les esclaves du Mozambique, les premiers Blancs engagés, les ouvriers de Pondichéry, les Wolofs du Sénégal et des Lascars venus de Pondichéry et de la côte yéménite.

Qu’il s’agisse des récits de Charles Tombe ou du dessinateur Milbert au début du xixe siècle sous l’administration de Decaen(1), nous avons un descriptif de Port-Louis avec une animation humaine quasiment identique à la ville que l’on connaît aujourd’hui. La partie à laquelle se réfèrent ces deux narrateurs, peu avant la transition de la tutelle coloniale française à l’anglaise, est celle qui englobe tout le quartier s’étendant de Trou Fanfaron à la Plaine Verte jusqu’à la route des Pamplemousses. C’est le « Faubourg de l’Est » de la période française, où l’on peut raisonnablement situer le point de départ du grand métissage de la population mauricienne.

 

Port-Louis doit son existence aux vents favorables à la sortie des bateaux. Au Grand-Port, dans le sud, il fallait parfois attendre plusieurs jours avant que les alizées du sud-est se calment pour que les navires se trouvent sous la brise venant de la terre. C’est ainsi que les directeurs de la Compagnie des Indes consentirent à ce que le port de l’Isle-de-France soit déplacé au nord-ouest.

 

C’est donc sous le nom de Port-Nord-Ouest que le chef-lieu de Maurice fut initialement connu. Durongouët Le Toullec(2) était arrivé sur Le Courrier de Bourbon avec une quinzaine de personnes. Selon les registres de l’époque : « cinq hommes et quelques esclaves » ; on aura compris que ceux-ci ne comptaient pas dans l’équation de ce temps-là. Cette première communauté portlouisienne était davantage occupée à s’installer presqu’à l’embouchure du ruisseau du Pouce qu’à donner des noms à ce lieu dont ils ne pouvaient encore imaginer l’évolution. Il fallait certainement un peu plus de vécu pour que les quartiers de l’Isle-de-France obtiennent des noms mieux inspirés ; et nous verrons avec le temps que les ancêtres des Mauriciens n’étaient pas dépourvus d’inspiration.

 

Le « Quartier du Rempart »

 

Dès que la décision d’y faire mouiller les bateaux fut prise, Port-Louis connut une expansion rapide. En moins de trois ans, on avait fait construire quelques cases rudimentaires à l’endroit où se trouve aujourd’hui le jardin de la Compagnie. Les inondations à cet endroit eurent pour effet de créer une division des deux côtés du ruisseau du Pouce. Initialement, cela allait favoriser l’implantation des Blancs plus haut sur la gauche, du côté de la montagne, ce qui allait peu à peu produire le « Quartier du Rempart » ou « Quartier de la Montagne », le fameux « Ward IV » d’aujourd’hui. Les Noirs, affectés surtout aux travaux du port, étaient casés du côté du « Bassin des Chaloupes », qui se trouvait dans le secteur de l’actuelle Poste centrale. Mais peu à peu, avec l’activité portuaire croissante, on vit le nombre d’esclaves augmenter, en même temps que débarquèrent quelques ouvriers spécialisés pour radouber les navires.

 

François Mahé de La Bourdonnais, gouverneur des Mascareignes à partir de 1733, allait donner une impulsion nouvelle en forçant adroitement la main à la Compagnie des Indes. Celle-ci n’entendait pas créer une ville portuaire au nord-ouest ; tout juste un point de relâche pour ses navires qui devaient rejoindre son comptoir au sud de l’Inde. La Bourdonnais fit valoir la nécessité de réparer les bateaux qui avaient souffert des avaries au passage du Cap de Bonne Espérance et c’est ainsi qu’il fit venir ceux que l’histoire désigne encore aujourd’hui comme « les Noirs de la marine ».

 

[…]

  1. Charles Decaen, dernier gouverneur français de l’île de France (1803-1810).
  2. Il organise en décembre 1721 le premier peuplement de l’Isle de France.

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