Aimons Mieux

« L’amour s’apprend, s’apprivoise, se construit » nous déclare Sam Keen. Toutefois, on est nombreux à penser qu’aimer relève de la nature humaine, de l’instinct ou encore du destin. On a également songé à abandonner et se dire que l’amour n’est pas pour nous. Ce sentiment est bien compréhensible après maintes ruptures. On aura beau laisser le temps qu’il faut, les blessures ne semblent pas cicatriser. On se décide alors d’aimer moins, pensant ainsi pouvoir se protéger. On aura complètement tort, puisqu’une telle décision ne nous met pas à l’abri des souffrances. Il ne faut pas aimer moins, il suffit d’aimer mieux…

Depuis la nuit des temps, l’amour a inspiré des générations de poètes, de musiciens, d’écrivains et d’artistes en général. Le sujet est universel, intemporel, mais surtout inépuisable. Chaque œuvre apporte une vision différente, nouvelle ou originale. Le mot a été tourné et retourné dans tous les sens, mais semble toujours aussi mal défini. Ce ne sont pas non plus les essais, les théories ni les analyses qui manquent. On n’énumèrera pas les romans et nouvelles qui traitent ce thème. Pourtant, au XXIe siècle, on semble en mal d’amour, on paraît peu aimé et on n’aime moins ou pire, mal. Est-ce ainsi depuis des siècles, mais en parler n’était pas permis ou est-ce que notre capacité d’aimer a baissé au fil du temps ? Peut-être bien les deux. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas en abandonnant l’idée qu’on ira mieux. Bien au contraire, il nous faudra aimer davantage, mais cette fois en essayant de le faire bien.

On a longtemps associé l’amour à la souffrance, aux épreuves et aux défis, si bien qu’on ne considère pas une relation exempte de challenges ni de combats. Les séries télévisées nous promettent également des idéaux qui se veulent si parfaits qu’on est tenté de rechercher notre bonheur à travers ces histoires. Pourquoi le chemin de l’amour est-il aussi parsemé d’embûches ? Pourquoi n’y-a-t-il pas de raccourcis vers le bonheur ? Pourquoi est-ce souvent si compliqué ? Peut-être parce qu’on est mal dans notre peau et qu’on confie trop notre joie à autrui. Parce qu’on manque de confiance en nous, on implore que l’autre nous rassure. Parce qu’on a souffert, on veut que l’autre nous guérisse. Parce que notre cœur a cessé de battre, on demande à l’autre de le réanimer. Parce qu’on ne se sent pas entier, on réclame à l’autre de nous compléter. On est à une époque où on demande peu à nous-mêmes et on exige beaucoup de l’autre. Ce déséquilibre est si flagrant qu’on mendie l’amour, alors qu’il doit être naturel, issu d’une simple réciprocité de sentiments et d’actions.

Parmi les voies qui mènent à Rom…antique, on peut déjà choisir celle de l’amour de soi. Parce qu’on doit s’aimer suffisamment pour pouvoir aimer autrui. Soyons heureux avec nous-mêmes, soyons capable de connaître ce qui nous fait sourire, rire, joyeux et l’amour de l’autre viendra naturellement. Tant qu’on confiera notre bonheur à un tiers, on sera toujours en manque. L’amour qu’on mérite nous parviendra seulement quand on sera prêt à l’accueillir. Pour aimer mieux, il faut commencer par soi. Le bonheur est contagieux, l’amour est viral. On n’aura plus besoin de se dire majeur et vacciné…

NA HASSI
Illustration : Sabella Rajaonarivelo