ArtsPhotographie

Dany Be

Mémoire photographique
icon-baobab

Par Raoto ANDRIAMANAMBE

Dany Be est la figure iconique du photo-journalisme malgache. Toujours révolté, témoin impétueux de son temps, il a capté les évènements marquants de l’histoire de la Grande île. Retour sur cinquante-huit années de photos et d’anecdotes avec l’un des maîtres du noir et blanc.

De jeunes garçons fixent l’objectif en souriant, tandis que le train est en gare. La légèreté de la scène contraste avec la gravité de son contexte. Nous sommes le 13 décembre 1972. Les Merina doivent quitter la ville portuaire de Toamasina, peuplée majoritairement par les Betsimisaraka. Certains le feront sur des wagons destinés au bétail. Ce cliché, en noir et blanc, trône dans le salon d’un des fils de Daniel Félix Rakotoseheno, plus connu sous le pseudonyme de Dany Be. « C’est l’un des clichés que j’apprécie le plus », souffle l’octogénaire. En effet, cette photo résume son art: « observer et critiquer les travers de la société où nous évoluons », comme il aime tant le rappeler.

Faire de la photo autrement

C’est dans cette maison cossue, dans le quartier tranquille de Sainte Marie « kely », que le « monument » nous accueille tout en souriant, le regard vif malgré le poids des années, de la maladie et de la fatigue. Comme à l’accoutumée, il ne peut s’empêcher de parler des actualités – vieux réflexe journalistique – et de commenter l’avenir du monde de la presse malgache. « Je m’inquiète du devenir du métier, dit-il. Il faut résister et être solidaire ». Dany Be sait de quoi il en retourne. Avec son appareil photo comme fidèle compagnon, il a été à la première loge pour assister à la lente mutation du journalisme et de la société malgache. Les domaines de la photographie et du journalisme, l’homme est tombé dedans quand il était petit. Né en 1933 d’un père journaliste, le jeune Dany Be fera ses premières gammes dans l’armée française en 1956 « lors des longues marches militaires dirigées par de beaux “salauds” corses », apostrophe-t-il avec le franc-parler qui est le sien. « Les officiers prenaient des photos des atrocités qu’ils avaient commises. C’est à cette époque que je me suis dit que je devais faire de la photographie autrement ». C’est avec l’armée française qu’il découvrira les quatre coins de la Grande île et s’initiera à la photographie. […]