Être humain
2.0

En 2019, on se demande si on peut toujours parler d’évolution de l’homme ou admettre la régression de l’espèce humaine. L’expression est peut-être brutale, mais parfaitement justifiée. Nous sommes à une époque où les téléphones sont plus intelligents que leurs utilisateurs. Les scientifiques et les ingénieurs concentrent leur énergie dans la recherche de moyens d’assistance virtuelle. Alors que les objets ambitionnent désormais d’être de plus en plus « smart », les hommes sont de plus en plus « dumb ». Parce que l’être humain 2.0 s’appuie beaucoup sur ses assistants virtuels, il n’est plus maître de lui-même ni de ses décisions.

Le progrès a fait en sorte que l’humain soit plus habile à tapoter sur son clavier que de tenir un stylo. La technologie corrige l’auteur de manière automatique au point de lui faire douter de l’orthographe quand il est seul devant son manuscrit. La science a assisté la femme dans son organisme au point de lui faire oublier qu’elle peut expulser un corps de 3 kg et plus sans antidouleur. L’astrologue ne regarde plus le ciel mais se fie à une application pour suivre le mouvement des astres. Le patient ne consulte plus les médecins, mais fait désormais confiance aux moteurs de recherche. L’étudiant n’ouvre plus les livres mais se connecte pour lire le résumé sur internet. Les remèdes de grand-mère ne se transmettent plus de génération en génération, mais se partagent de blog en blog. L’homme ne veut plus rien retenir dans sa tête, mais considère Google comme l’extension de sa mémoire. Etc.

Alors, où est le mal ? L’écriture est plus lisible, le manuscrit plus correct, l’accouchement moins pénible, le calendrier plus précis, le diagnostic plus clair, les études plus faciles, les secrets plus archivés, les informations plus accessibles. Qu’y-a-t-il de mal dans tout cela ? Qu’on ne se méprenne, il ne s’agit pas ici de diaboliser la technologie, Liam l’a déjà fait si bien dans le film « Modern life is a rubbish » (Daniel Gill, 2018). Il est simplement question de trouver le juste équilibre entre ce que la technologie peut apporter et ce que l’être humain doit garder de lui. Il doit pouvoir se fier à son instinct, avoir confiance en ses décisions et écouter de temps en temps son cœur. Bien sûr, aucun n’est quantifiable, ni mesurable, encore moins démontrable. Toutefois, l’homme doit bien pouvoir fonctionner au minimum sans ses assistants technologiques. Dans le cas contraire, on serait bel et bien dans le film « Idiocracy » (Mike Judge, 2007).

On a bien décrété quelques jours de février pour marquer les journées mondiales sans téléphone portable & Smartphone, mais les autres jours, que fait-on ? Comme toutes les célébrations de ce genre, on essaie autant que possible de se dire engagé, libre et responsable. Le lendemain, on retourne à nos bonnes vieilles habitudes d’humain 2.0 pour reprendre conscience l’année prochaine. Il est intéressant de voir à quel point la vie « dans la nature » est devenue un « divertissement », un programme télé. Il est inquiétant de constater que le « retour aux sources » ou une existence plus « roots » est une simple tendance qu’un mode de vie à part entière. Beaucoup de mots stylés ont fait leur apparition : bio, green, écolo, vert, etc. mais peu de monde comprend réellement ce qu’il en est au-delà de l’effet de mode.

L’humain 2.0 devra essayer d’oublier tout ce que la technologie peut lui apporter pour pouvoir retrouver son essence. Il sera plus apte à agir quand il ne voudra plus prouver ses actes aux autres. Il sera plus confiant, quand il n’accordera plus autant de confiance à internet. Il sera plus heureux quand il aura cessé de penser l’être parce que d’autres vivent pire. Il vivra mieux quand il comprendra que c’est la nature qui le protège et non l’inverse.

On dira certainement que tout ceci est bien joli, mais qu’on n’a pas pu lire si on n’avait pas notre Smartphone… Oui, tout extrême est dangereux. Le secret c’est de trouver le juste équilibre et agissons chacun à notre niveau.

 

NA HASSI.
Illustration : Sleeping Pop