Mme Zo :
« L’art au quotidien » qui réconcilie

Pendant que certains débattent si l’art doit être « utile » ou non ; elle, elle récupère tout ce que d’autres jugent « inutile ». C’est ainsi que bouts de tissus et copeaux de bois se rencontrent. Que scies à métaux et bandes magnétiques s’alignent. Que plantes médicinales et fil de fer fusionnent. Elle pourrait être la quatrième Parques. Souvenez-vous, ces divinités du destin, celles qui fabriquent le fil de la vie et qui sont nées de la Nuit. Elle : c’est Mme Zo, artiste-tisserande, dont les œuvres sont actuellement exposées à la Galerie de la Fondation H au Galaxy Andraharo jusqu’au 7 juin 2019.

 

Cette collection est immense, autant par les dimensions des œuvres que par le message qu’elles véhiculent. Au premier regard, chaque tableau pousse à l’interrogation. Comment a-t-elle pu croire que des guidons de bicyclette pourraient se joindre à des bandes magnétiques pour emmener faire « La balade » ? Pourquoi a-t-elle pensé que des plantes médicinales pourraient se croiser avec du fil pour incarner une « Santé de fer » ? Que lui est-il arrivé pour qu’elle choisisse de redresser des copeaux de bois, pour les tresser avec des tissus et aboutir à un tableau aussi précis que « La forêt » ? Comment a-t-elle imaginé que si les feuilles de mica se glissaient dans du textile et du fil, une autre histoire en découlera ? Finalement, la question qui reste, après toutes celles qui fusent dans l’esprit du visiteur, c’est « pourquoi pas ? »

 

Ces œuvres intriguent dès le premier contact visuel. Puis, plus on le fixe, plus on pénètre dans un univers où tout est possible. Dans un autre sens, plus on regarde, plus ce monde entre en nous et nous inonde. N’est-ce pas là le rôle de l’art d’ailleurs ? Nous ouvrir des portes, celles qu’on n’a jamais vues ou qu’on n’a pas pensé ouvrir. L’artiste n’est-il pas un passeur ? Les créations de Mme Zo, après avoir bousculé des questions et suscité des remises en questions, apportent doucement des réponses, souvent évidentes. Nous sommes face à un talent qui rappelle que TOUT n’est qu’UN. Que tout peut s’associer, sans se soucier du « con » dira-t-on.

 

Une visite à la Galerie H, c’est un voyage intérieur, tellement personnel que chacun mène un chemin différent pour interpréter les œuvres. Qu’il suive le sens de l’exposition ou son instinct pour les contempler, le visiteur sera troublé, par un détail ou par l’ensemble. Chacun reconnaît le lien qui réunit ces matériaux que l’espace, le temps et l’humain ont séparés.

 

Restez prudent, l’artiste nous mène peut-être en bateau, car :

La ligne de départ
Se déplace
Et l’arrivée se glisse
C’est une autre histoire
Qui s’écrit
Car tout est Mouvement
Le monde tourne
Là où souffle le vent

(Poème de Na Hassi qui illustre et accompagne l’œuvre « Le bateau » de Mme Zo)

 

Cette artiste a fait de son « métier », la machine et l’activité, une matière à réflexion. Ses mains de tisserande resserrent les liens entre ceux qui se sont éloignés. Son regard d’humain recadre dans un même tableau ceux qui se sont égarés. Mme Zo n’utilise pas un métier à tisser, mais à… réconcilier.

NA HASSI