ArtsLittérature & Poésie

“ Presque-Songes „

Le rêve poétique de Rabearivelo
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Par Raoto Andriamanambe - Illustrations : Isaac Azaly

Presque-Songes/Saika Nofy est un chef-d’oeuvre aussi bien esthétique qu’émotionnel que Jean-Joseph Rabearivelo nous a laissé en héritage. Dans ce recueil, il se laisse aller aux confidences et met à nu sa personnalité. Ici, plus de superflus ni de démonstrations inutiles de prosodies. Le Prince des poètes malgache laisse son talent et son imagination le guider dans les méandres de ses pensées et de ses rêves.

Avec Traduit de la Nuit et Vielles chansons des pays d’Imerina, Presque-Songes constitue le troisième joyau du fabuleux triptyque écrit par le prince de la poésie malgache, Jean Joseph Rabearivelo. Presque-Songes est l’acmé de la carrière – brève mais riche – du démiurge malgache des lettres et de la poésie.

 

Part d’ombre

Mamafy, mamafy ny asara/mamafy voan-drano mamiratra/sème, sème l’été/sème des grains d’eau lumineux (Asara/Été). D’emblée, Rabearivelo emporte ses lecteurs dans un tourbillon créatif sans égal. Il sait où il veut les emmener : dans les sombres dédales de ses songes, dans sa dualité constante entre son identité malgache et son attachement à la francité. Presque-Songes fait partie des oeuvres réalisées dans la « deuxième partie » de la vie artistique du poète. Si l’on effectuait une analyse anachronique, cette période correspondrait aux années « studio » des Beatles. De guerre lasse des concerts assourdissants et des tours du monde fatigants, les « Fab four » avaient décidé d’arrêter les représentations pour se consacrer à la création au sein de leur studio à Abbey Road, à Londres. Ce qui a débouché sur une carrière en studio riche qui les consacrera comme étant les « Mozart » du rock.

C’est à peu près la même démarche artistique pour Rabearivelo. En 1931, année où il écrit Presque-Songes, l’homme est plus mature, son art est à son apogée. La mort est omniprésente dans sa vie. Sa part d’ombre prend souvent le dessus et il veut se dévoiler. Dans Sylves et Volumes déjà, la mort et les ancêtres revenaient sans cesse, notamment à travers l’évocation des tombeaux (fasana). Dans Presque-Songes et Traduit de la Nuit, ils seront les chantres.