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Avant d’être en guerre, avons-nous été en paix ?

Le 21 septembre est une trêve, c’est la Journée mondiale de la Paix, pendant que les autres dates sont des journées mondiales de la peur. Parce que oui, Peace & Love est un logo stylé, un simple effet de mode. Parce que oui, notre quotidien s’enlise dans une spirale de peur sans fin. Si aujourd’hui nous osons nous dire en guerre, avons-nous seulement été en paix hier ?

Nous aspirons tous à une vie paisible ensemble – chacun de son côté, mais notre conception personnelle de la paix nous sépare. Pendant que certains courent après le matériel d’ici-bas, d’autres revendiquent l’héritage divin. Pendant que certains ne rêvent que d’une société totalitaire, d’autres ambitionnent une liberté sans limite. Pendant que certains œuvrent à la conservation d’une éternelle jeunesse physique, d’autres travaillent pour conquérir la magie de leur énergie intérieure. Pourtant, quelle que soit notre philosophie, nous partageons le même rêve : celui d’être tranquille, ne plus avoir à nous soucier de quoi que ce soit. Parfois, nous nous permettons jusqu’à vouloir rallier les autres dans notre cause. Malheureusement, notre lutte quotidienne pour imposer nos visions ne nous offrira en aucune façon la paix des braves.

Le monde dans lequel nous vivons ne supporte pas la différence. Tel est notre grand mal. Nous rejetons ceux qui ne nous ressemblent pas, pensant avoir ainsi le monopole de la vérité absolue. Les normes que nous avons établies nous piègent, parce qu’elles nous empêchent de nous accepter, tels que nous sommes. Bien évidemment, comme notre environnement, ce que nous sommes est aussi en construction permanente. Notre besoin d’intégrer une communauté nous oblige parfois à refouler certaines parts de nous-mêmes, créant en nous des contradictions dangereuses.

La peur du rejet et la peur de la différence sont à l’origine de notre mal. Alors nous courons après l’argent, l’honneur et la beauté pour ne pas nous sentir rejeté. Parce qu’une fois riche, nous avons le mérite des bons gestes. Parce qu’une fois docteur honoris causa, nous avons le privilège de la parole. Parce qu’une fois beau, nous jouissons de la vénération de tous.

La peur d’une existence moutonnière et la peur de la banalité sont à l’origine de notre mal. Alors nous courons après l’originalité, l’extravagance et toutes les excentricités pour nous sentir à part. Parce qu’une fois différent, nous avons le pouvoir de juger la masse. Parce qu’une fois intéressant, nous avons la faveur de signaler ceux qui sont identiques. Parce qu’une fois d’une autre nature, nous avons le sentiment d’être supérieur aux autres.

Nos viscères se nouent à chaque bouleversement, à chaque apparition de ce que nous ne sommes pas ou de ce que nous ne savons pas. Nous sommes des « penseurs », à un tel point que nos instincts en sont dissous. Nous sommes piégés par nos propres pensées, notre soif de contrôle, notre faim de pouvoir et notre besoin de distinction : le Bien et le Mal, le Noir et le Blanc, le Passé et le Futur, le Riche et le Pauvre, l’Ignare et le Savant, l’Ici et l’Ailleurs, l’Humain et l’Animal… Tout nous amène à nous comparer et à nous juger. Tel est notre grand mal.

Quand cesserons-nous donc d’avoir peur, de la vivre en permanence jusqu’à la célébrer chaque jour et de ne plus avoir besoin d’un 21 septembre pour nous le rappeler encore plus ?

NA HASSI
Illustration : Andou Baliaka