Le grand retour chez soi :
Comment on s’en sort ?

Depuis la nuit des temps, on a toujours connu le pouvoir des mots. Néanmoins, on n’a jamais réellement su en mesurer toute la puissance. On peut vaguement évoquer ces expériences, comme celles du japonais Masaru Emoto, sur l’effet de la parole sur les éléments. Pourtant, un seul mot suffit pour tout construire. Un autre a le pouvoir de tout détruire. Il suffit d’un seul autre pour tout reconstruire. Indéfiniment, la parole nous tue comme elle nous ressuscite…

Dernièrement, un mot a fait basculer le monde entier, a changé son mode de fonctionnement, a renversé tous ses idéaux. Confinement. Beaucoup ne l’ont jamais entendu. Certains l’ont vu quelque part, sans forcément comprendre ses implications. Du jour au lendemain, il est devenu le quotidien de tous les habitants de la Terre… Il nous a mis sur le même pied d’égalité…ou presque.

Que signifie-t-il réellement ? On ne s’étendra pas sur les définitions académiques, ni médicales, encore moins sécuritaires. Un mot ne prend tout son sens que lorsqu’on se l’approprie dans un contexte donné.

« C’est un mot qui me fait peur. »

« Je n’ai jamais utilisé le mot confinement avant cette période que nous vivons actuellement ».

« J’ai l’impression que c’est devenu un mot tendance qui a perdu un peu de sa force (…) Facebook et compagnie y sont pour quelque chose je pense ».

« Je n’ai jamais eu à faire avec ce mot auparavant et là je suis en plein dedans… »

Pendant que certains restent plutôt réalistes, d’autres y trouvent un sens plus profond, qui se rapproche de l’être.

« Le confinement, à proprement parler, pour moi c’est avoir le temps de me cuisiner des petits plats comme je les aime, avoir le temps de me replonger dans ma passion pour le dessin et la musique ».

« Cela signifie rester chez soi, changer de chaînes 100 fois, se disputer avec son père, puis sa mère, puis son frère, parfois une dispute collective, mais si c’est pour sauver des vies… »

Justement, un seul mot pour sauver des vies. D’ailleurs, comment le vit-on ? Bien qu’on soit face à la même situation, on ne vit pas forcément les mêmes réalités.

« Nous avons la chance d’être nombreux à la maison. 6 adultes et un enfant (…) Et ça se passe plutôt bien. Une bonne organisation et un vrai dialogue quand il le faut. »

« Plutôt mal, je me sens envahie (…) maintenant, il y a tout le monde à la maison, et ça en même temps, c’est très vite envahissant. »

« Le confinement en soi ne me stresse pas. Ça me donne une occasion inédite d’être avec ma fille H24. »

On est donc obligé de rester chez soi, le maître mot de notre existence. Il est peut-être temps de se réinventer une vie ou de faire face à celle qu’on mène « intérieurement », dans tous les sens. On a longtemps confié notre bonheur quotidien à des éléments extérieurs, hors de nous et en dehors de nous. Devoir se retrouver chez soi peut vite devenir insupportable…ou pas.

« Personnellement, j’ai hâte de retrouver ma vie « normale ».»

« Etant claustrophobe, je le vis plutôt bien. De plus, je n’aime pas la routine donc je dois toujours trouver des choses à faire (créer, lire, écrire, dormir, faire le ménage…) Avec le confinement, ce n’est pas gagné mais j’essaye de m’adapter comme dans toutes situations. »

« On est aussi plus ouvert à soi, on a plus de temps pour une introspection, une remise en question, réfléchir sur des projets, ou tout simplement prendre soin de soi.
Enfin, le fait d’être cloîtré chez soi nous incite à plus nous informer; du coup, on développe certaines qualités telles la curiosité, le sens de l’analyse, on tente de ne pas stagner quoi ! »

Qu’on le veuille ou non, ce mot oblige à revoir le quotidien, les habitudes et pourquoi pas à apprendre à mieux se connaître. Il a fallu décréter ce mot d’ordre pour que chacun puisse se réconcilier avec son « home sweet home ».

« J’ai découvert que je ne range pas souvent la maison. Alors j’ai commencé à ranger petit à petit, le rangement a cet effet indescriptible, on dirait que lorsqu’on pose des éléments à leurs places, lorsqu’on rend visuellement ordonnées les choses, il y a cette paix qui s’installe peu à peu en nous aussi. C’était une merveilleuse sensation quand même. »

« Je suis une personne qui se remet beaucoup en questions. Donc, le confinement me permet de faire un point sur ma vie, de revoir les projets. En tout cas, j’essaye toujours de voir le côté positif des choses »

« Depuis quelques mois, je cours. Littéralement. On m’a posé la question à la maison si j’allais tenir ce rythme. Une grosse tournée a été prévue sur mars – avril. Tout a été annulé. Repos imposé. Tout le monde a dit, maintenant repose-toi. Hahaha »

On répète souvent que « ce qui ne tue pas rend plus fort ». Un après-confinement, l’humain en sortira-t-il plus fort ou au contraire affaibli ? Ce mot nous aura-t-il changé ou nous aura simplement obligés à appuyer sur pause pour reprendre la vie là où elle s’est arrêtée ?

« La reprise ne sera pas facile, il faudra se préparer mentalement et physiquement quelques jours avant ! On va essayer de garder le moral jusqu’au bout et lorsque cela sera fini, j’aimerais bien fêter ça quelque part dans la nature »

« Toujours avec la bonne humeur ! Continuer les projets, sortir, être avec les potes… retrouver mon équilibre quoi ! »

« Réveil matinal à reprendre ! Les embouteillages à reprendre ! C’est comme revenir au boulot d’un long week-end… »

« Je me suis aussi rendue compte que le confinement, c’est des économies forcées et on ne se porte pas plus mal, parfois même mieux. Je vais probablement vivre plus simplement et plus heureuse après le confinement.»

« Ce que l’homme ne veut pas apprendre par la sagesse, il l’apprendra par la souffrance » nous prévient Maître Melkisedech. A-t-on donc appris quelque chose avec ce mot ?

« Le confinement m’a permis de mieux me connaître et je n’ai pas l’intention d’ignorer ce que je viens d’apprendre. »

« C’est sûr, ce calme, cet air pur laissé par le coronavirus nous marquera à jamais, et qui sait, peut-être qu’on sera mélancolique à l’idée d’y repenser et qu’on essaiera de garder cette partie là, même après tout ça. »

« Pas de grandes résolutions mais des révolutions douces et discrètes. Petit à petit, l’oiseau fait sa … vie. P.S: L’économie va prendre un sacré coup pendant et après cette crise. Donc, le sort de plein de gens me préoccupe. Dans mon entourage direct, ma famille, le quartier et ce pays. Bref, un grand chantier un peu anxiogène. »

 

« Cela ne fait que 4 jours, un peu tôt pour des résolutions mais sans hésitation, je ferais tout mieux que maintenant, en ce qui concerne la nature »

 

« Je fais les choses au feeling, comme d’habitude ! No stress ! »

 

« Confinement ou pas, je prends souvent des décisions; je ne sais pas si on peut appeler ça résolution mais ce sont des objectifs à courts ou moyens termes, et je tente de les atteindre comme je peux. »

 

Et le mot de la fin ?

 

« Essayer de ne pas céder à la gourmandise. Je ne veux pas finir obèse à la fin de la période »

 

Un grand remerciement à ceux et celles qui ont répondu au questionnaire : Aina Zo Raberanto, Rantsa Rabenandrasana, Anny Ra, Johana Rasoanindrainy, Gad Bensalem, Hobisoa Raininoro, Houssen Firoza Zahir.

NA HASSI
Illustration : Sabella Rajaonarivelo