NOTE DE LECTURE

« Le jour de ma mère » de Joël Schmidt

Résumé

C’est à travers notre passion qu’on parvient le plus souvent à nous définir, mais c’est elle qui peut aussi nous détruire. Pour Alphonse, c’est l’obsession pour les dates, un héritage que sa mère Alphonsine lui a légué. Alphonsine, son mari Eléazar et leur fils Alphonse sont tous nés un 1er août. Pour la famille, cette date compte beaucoup pour diverses raisons, mais c’est surtout Alphonsine qui lui accorde une attention particulière, avec un rituel mystérieux. Elle décide de lever le voile sur tout le mystère en écrivant une lettre à Alphonse, le jour de son 18e anniversaire. Ce 1er août là devient la date des révélations, qui donne encore son importance à cette date ayant déjà suffisamment marqué la famille.

 

Homme qui es-tu ?

Quand Alphonse est obnubilé par les dates, quand il ne voit ses rencontres qu’à travers leurs dates d’anniversaire, de premiers boutons ou de naissances de tétons, il frise le ridicule. Pourtant, il rappelle juste à quel point nous avons perdu toute l’essence de que nous sommes depuis que les chiffres sont devenus des preuves tangibles, des paroles d’évangiles. Nous ne sommes plus faits de chair, d’os ni de sang, mais de salaire, d’âge et de nombre d’enfants.

Quand Alphonsine s’évertue à respecter ses tableaux d’ancêtres poussiéreux et à fêter l’anniversaire de ses aïeux avec une bougie allumée, elle frise le ridicule. Pourtant, toutes les célébrations qu’on accorde actuellement à tout ce qu’on croit important, essentiel, humain : 25 décembre pour la naissance du Christ ou le courage de Santa Claus, 14 février pour un certain Valentin dont on a oublié la vraie histoire, Pâques qui est devenu plus un défilé de chocolats et de lapins… Toutes ces fêtes nous semblent bien logiques de les fêter. Honte à celui ou celle qui se prend pour un révolutionnaire qui refuse de se perpétuer la tradition.

L’être humain est régi, contrôlé, conditionné voire obsédé par le calendrier. Toute sa vie est rythmée par la succession de dates et ce qu’elles représentent.

Son passé enchaîne son présent et menace son futur. Voilà ce que l’homme ne supporte peut-être pas. Perdre le contrôle. Il a trop pris au sérieux celui qui leur a dit de « régner sur tout »… Ou peut-être qu’il l’a mal compris.

Le temps hante, il terrifie et son passage nous marque au quotidien. Quand le lever du soleil est vite remplacé par la sonnerie du réveil. Quand midi retentit plus avec les douze coups de l’horloge que par la position du soleil au dessus de la tête. Quand la lune est vite remplacée par le journal télévisé du soir. Pour l’humain, compter les jours est un geste naturel. C’est une sorte de repères, sans lesquelles il risque de se perdre et de se pendre. Comme l’a dit le Petit Prince « les grandes personnes aiment les chiffres ». C’est ainsi que les statistiques sont nées, avec des chiffres, des nombres, et dans notre situation actuelle « des cas confirmés ». Le monde ne vit et ne vibre plus qu’à ces nombres et leurs dates. En cette période critique, l’humain se retrouve chez lui à cocher les cases de son calendrier. Il se comporte comme un prisonnier qui trace des lignes sur les murs de sa cellule. Le voilà confiné. Pour une durée indéterminée. La plus grande peur est surtout de ne pas savoir quand il pourra sortir. Sortir sans ce danger chiffré, ce monstre daté : Covid19… Qui rappelle bien depuis quand ça a duré, on a basculé au 20 maintenant dans l’année, mais la précédente continue de faire de l’ombre, de contrôler le mouvement du monde. Quand la date de sortie est continuellement reportée, l’humain est terrorisé. Son juge semble peu clément à son égard. Peut-être obtiendra-t-il une liberté conditionnelle pour « bonne conduite » ?

NA HASSI