« Lettre d’une inconnue » de Stefan Zweig

Note de lecture

Résumé

R… découvre un colis particulier dans sa boîte aux lettres, le jour de son anniversaire. L’enveloppe était anonyme, ne comportant ni signature ni adresse. Le romancier a reçu un manuscrit de deux douzaines de pages, dont il ne reconnaît pas l’écriture. Au fil de la lecture, il apprend que c’est une lettre de confession est écrite par une femme mourante, qui l’a connu et qu’il aurait connue. Du moins, c’est ce qu’elle prétend, parce lui, ne semble ne se souvenir de rien. Elle tombe amoureuse de lui à 13 ans. Ils ont couché ensemble quand elle avait 16 ans. Ils ont recouché ensemble quand elle avait 26 ans. Dans sa longue lettre, elle lui confesse tout, mais parviendra-t-il à se souvenir d’elle comme elle raconte leur histoire ?

 

Une femme amoureuse ne connaît pas la demi-mesure

S’il fallait donner un autre titre à ce roman, ce serait sans doute ceci : « une femme amoureuse ne connaît pas la demi-mesure ». On l’a souvent entendu cette histoire : une personne qui aime profondément un être et qui lui dévoue toute son âme. Néanmoins, on fait souvent face à un amour assez superficiel, fragile et qui ne pénètre même pas la chair. Juste un amour épidermique. Des émotions qui flottent juste en surface de la peau et qui disparaissent à la moindre « douche froide ». Ici, les sentiments se sont tellement infiltrés par les pores qu’ils ont transpercés les os jusqu’à se diluer dans son sang. Elle guette ses allées-venues, elle scrute son appartement, elle vibre à chacun de ses mouvements. Quand elle entrevoit sa maison, ses yeux dévorent tout et son corps capte toute l’énergie qui y circule. Elle n’a que 13 ans. Quand une femme se réfugie dans un amour aussi platonique, elle n’en sortira jamais indemne. Car il n’y a pire pour une amoureuse que de vivre une histoire imaginaire et pure à une époque où tout son monde se construit. Les amours qu’elle connaîtra par la suite seront bâtis sur ces premières impressions. Dans son attitude d’amoureuse, elle frôle le cliché en basculant dans des gestes incontrôlés, des pulsions étranges et des pensées ordinaires. Néanmoins, quand elle va grandir avec cet amour démesuré, qui ne fléchira pas avec le temps, c’est ici que l’histoire commence à faire trembler. Un amour a besoin de passion et de patience pour survivre, surtout pour celle qui a choisi de rester dans l’ombre. L’expression est bien choisie, car toute sa vie de femme s’est construite dans l’ombre de son homme. Oui, car elle est devenue une femme. Ni le temps ni la distance n’ont eu raison de cet amour d’adolescence, qui semble s’être intensifié jusqu’à devenir déraisonnable, surtout pour une adulte. Quand elle revient à plusieurs reprises dans les bras de l’homme, sans se présenter, sans rien dire, on réalise à quel point les sentiments de l’autre compte peu quand on aime. Quand elle décide de tout lui raconter, il aura fallu attendre la mort frapper à sa porte. La plus belle histoire d’amour est sans doute celle dont on emporte les souvenirs dans sa tombe. Avec tout ce qu’on a vécu en nous, sans connaître les sentiments de l’autre, car on les redoute, on craint qu’ils ne soient pas à la hauteur de notre dévouement. On a souvent peur de réaliser qu’en réalité, toute notre histoire ne soit que pure invention, surtout quand l’autre ne s’en souvient pas de la même manière…

NA HASSI