ArtsLittérature & Poésie

Rêvée ou Imaginée

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Par Soamiely Andriamananjara - Traduit du malgache par Mialy Ravelomanana - Illustrations : Catmouse James

Un petit jardin agréable se situe au nord, en aval du Ministère où je travaille. Des arbres ombrageux s’y offrent en refuge contre le soleil au zénith. Quelques bancs de pierre y attendent le fonctionnaire en quête de repos et de tranquillité.

Assez étonnamment, mon ami Ramoramiakatra est un des rares à fréquenter le jardin à midi. C’est sans doute parce que le jardin est assez petit et les fonctionnaires préfèrent se diriger en groupe vers les nombreuses gargotes et stands à l’air libre qui entourent le quartier administratif d’Anosy.

Ramoramiakatra, par contre, visite le jardin assidûment. Chaque jour on peut le voir sur son banc durant l’heure du déjeuner, entre midi et demi et deux heures et demie. Il est féru de lecture et ne rate aucune occasion de sortir un livre de son cartable et de s’y immerger. Les livres sont ses amis. Il s’en nourrit. Il a une collection très complète de livres malgaches. D’ailleurs, c’est grâce aux livres que nous nous sommes connus et que nous sommes devenus amis. Nous apprécions tous les deux la littérature en général et nous passionnons spécialement pour la littérature malgache.

Ramoramiakatra a 29 ans et il est en charge de la communication au Ministère. C’est un homme simple et sans prétentions, avare de mots – presque timide. Il est effacé, ce n’est pas un homme à exagération, ou comme on dit chez nous, un homme qui trouve du sable dans les rizières même en période sèche. J’ai toutes les raisons de le croire sain de corps et d’esprit, aucune raison de ne pas croire cette histoire qu’il m’a racontée.

Un mardi, une femme drapée de lamba vint s’asseoir sur un banc près de Ramoramiakatra. C’était une femme de petite taille et trapue, au visage rond, à l’âge assez avancé, mais dont la beauté passée restait évidente encore. Son comportement laissait voir un esprit intelligent et rapide. Il y eut un échange de regards, puis de salutations, et finalement ils commencèrent le badinage qui traditionnellement précède les conversations sérieuses.

« Qu’est-ce qui vous fascine donc autant, mon fils? » demanda-t-elle sur un ton taquin. La question fut suivie d’un sourire. Ramoramiakatra crut qu’elle parlait seulement pour parler, sans attacher d’importance à sa réponse. La plupart des gens se comportent ainsi. Il lui montra le petit livre bleu tout vieux qu’il tenait entre les mains.