Les Barea ramènent des coupes
pour la nation

« La rage de gagner ne suffit pas à éliminer la possibilité de perdre » nous rappelle Grégoire Lacroix dans Les euphorismes de Grégoire (2006). Certes, à l’issue de ces 90 minutes, on a perdu un match, cette possibilité était là, mais on a gagné bien plus qu’une coupe des nations. Les Barea ont forgé UNE NATION.

 

Ni les sensibilisations aux élections ni les appels à manifestations populaires de ces dernières décennies n’ont réussi à convaincre autant de Malgaches à descendre dans la rue de leur plein gré. Nous avons tous entendu parler de ces manifestants indemnisés. Nous avons tous connu des proches qui soutiennent un candidat en échange de quelques billets. Pour soutenir les Barea, on pourrait dire qu’on n’avait « rien à gagner ». Pourtant, ces gens viennent le cœur en fête et les couleurs nationales en tête. Ils se saluent, se serrent dans les bras, célèbrent un évènement, chantent en chœur l’hymne national. Jamais le mot « national » n’a été aussi sensé. C’est une COUPE pour NOTRE NATION.

Combien de Malgaches ont osé sortir de chez eux le soir avec autant d’assurance ? Avant cette euphorie « canienne », les sorties nocturnes revêtaient un caractère dangereux, malsain, irresponsable, etc. Pourtant, ces dernières semaines, tous se donnent rendez-vous dehors, en pleine nuit, sans cette peur viscérale d’être victimes d’agression de toutes sortes. Le bruit de l’enthousiasme et de la solidarité a réduit en silence la crainte de l’insécurité. Cette participation à la CAN nous a fait découvrir que nous ne sommes pas ennemis, que nous sommes encore sur notre terrain, que ce pays nous appartient et quand on le souhaite, on se sent chez nous. Jamais la sécurité n’a été aussi sentie. C’est une COUPE pour NOTRE NATION. Aucun débat sur l’identité et le nationalisme n’a suscité autant de questionnements. Des remises en question ont rejailli durant cette période. Africain ou pas ? Malgache ou Malagasy ? Beaucoup ont donné leur avis, certains se sont offusqués, d’autres ont tenté d’expliquer. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre, les Malgaches/Malagasy n’ont fait qu’un : une population qui défend sa nation de toutes les façons. On a revendiqué une identité, une affirmation de soi. Le temps d’une CAN, les Malgaches/Malagasy ont été plus solidaires que jamais. Jamais le patriotisme n’a été aussi sincère.

C’est une COUPE pour NOTRE NATION Depuis l’histoire du football, on a toujours assisté à une vague d’engouement, d’admiration et même de fantasme sur les joueurs. Etrangers. Depuis cette aventure « canienne », c’est le cœur de tout un pays qui bat pour les mêmes joueurs. Nationaux. Ces ondes positives, cette motivation, cette détermination à soutenir coûte que coûte les « siens », ce sont les Barea qui nous les ont permis. On a réappris à aimer. Jamais l’amour n’a été aussi pluriel. C’est une COUPE pour NOTRE NATION. Les Barea ne ramènent pas LA coupe des Nations, ils ramènent DES coupes pour LA nation. Nos coupes ne sont plus pleines, nous avons su boire jusqu’à la lie, pour pouvoir remplir des larmes de joie, de fierté, de reconnaissance. Cette équipe a ranimé, le temps de quelques matchs, une nation fatiguée, désespérée et délivrée à elle-même depuis près de soixante ans. Ils ont été une vingtaine dans l’équipe sur terrain et sur le banc, nombreux dans les gradins de l’Egypte et des millions dans les rues dans tout Madagascar. Jamais le mot nation n’a été aussi compris. Merci les BAREA, merci pour tous ces cadeaux. Vous nous avez appris qu’on peut trouver nos héros parmi nous-mêmes.

Que nous sommes capables de tant de miracles. Qu’on est maître de notre destin. Qu’à force de croire en nos rêves, ils finissent par se réaliser. Vous nous avez appris sur terrain ce qu’on tentait de comprendre dans les théories, livres, dans les articles, dans les histoires autres, dans les chansons…

NA HASSI.