Nous sommes des graines solitaires
qui poussent dans un champ

Bien qu’on soit 7 milliards d’individus sur cette planète, il nous arrive bien souvent de nous sentir seul. Ce sentiment d’être à la fois creux et lourd. Ce vide qui pèse jusqu’à comprimer la poitrine. Cet air qui devient un poids que nos poumons ne peuvent plus supporter. À chaque inspiration, on suffoque. À chaque expiration, on étouffe. Nos narines qui servent davantage à soupirer qu’à respirer. Respirer. Un geste aussi vital et naturel se transforme en une obligation, une règle à la laquelle on veut déroger. Ces moments comptent sans doute parmi les plus difficiles, mais aussi les plus importants de notre existence. Ils nous aident à partir. À revenir. À guérir. À grandir.

 

Nous sommes une graine qu’on a plantée dans la terre. Seule. On concentre notre énergie pour se dresser dans ce sol, dans l’espoir de le percer pour mériter nos rayons de soleil. Certains y parviennent facilement. D’autres se heurtent à des rochers. Il y en a aussi qui croisent d’autres racines et s’entremêlent. Parfois, il arrive même qu’on ait l’impression d’avoir été plantée sous une chape de béton armé. Les fleurs de bitume sont magnifiques. Toutefois, cela ne réduit en rien la valeur de celles qui ont éclos avec facilité.

 

Nous grandissons dans une société qui semble vénérer les obstacles à franchir. Plus le chemin est difficile, plus le succès est « reconnu ». Ce mode de vie est épuisant, à la longue. Notre existence se transforme en une course à haies. On saute, on court, on trébuche, on sue, on transpire et on arrive essoufflé. On a oublié le plaisir de la marche. On ne reconnaît rien sans la ligne de départ, le couloir et la ligne d’arrivée. On se retrouve vite perdu dans une forêt, car on a gardé nos repères sur une piste de course. On perd le goût des choses simples. On refuse la simplicité. On méprise les cadeaux. Combien de véhicules circulent avec fierté dans ce pays avec l’inscription « herim-po fa tsy lova » (je l’ai gagné par mes efforts et non par héritage). Le selfmade person a du bon. Nous sommes une graine solitaire. Néanmoins, il ne faudrait pas en faire un culte pour refuser toute aide. Pour exclure ceux qui veulent soutenir. Pour considérer les autres comme des adversaires. Pour traiter les autres de concurrents, de jaloux, d’envieux. Pour dénigrer ceux qui ont accepté des cadeaux. Pour accuser ceux qui attrapent la main qu’on leur a tendue.

 

Parce qu’il y a toujours, quelque part, à n’importe quel moment, une main qui nous tient. Des hasards, des rencontres, des circonstances, des incidents, des mésaventures… Ces instants nous font croiser des personnes qui apportent quelque chose dans notre vie. On ne réalise pas souvent combien ces coïncidences ont contribué à notre existence. On dit qu’on reconnaît les véritables amis dans les moments difficiles. C’est ainsi qu’on oublie de remercier ces gens qui sont là, quand tout va bien. Ils sont tellement présents, qu’on ne les remarque plus. Les avoir à nos côtés semble tellement « acquis » et « naturel », qu’on ne pense pas à les gratifier d’un « merci d’exister ». C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle on arrive à un moment ou à un autre, à se sentir si seul à côté de 7 milliards d’individus.

 

Si le cœur vous en dit, envoyez un message à ces personnes qui sont là, qui vous tiennent d’une main invisible, sans demander rien en retour.

NA HASSI