ArtsMauriceThéâtre

Antigone : Le théâtre et son trouble

icone-maurice-bleu-32px

Par Julie Fenaille l Photos. DR

Oser la tragédie grecque avec de très jeunes comédiens en apprentissage était un pari risqué. Mais faire revivre Antigone aujourd’hui, 2 500 ans après sa « première », c’est réentendre un cri, une révolte brute. Celle d’un être refusant la loi des hommes au nom de valeurs pour lesquelles on ne transige pas. Théâtre pour le temps présent ?

Résolument contemporaine, la mise en scène d’Antigone version Alessandro Chiara est venue bousculer en ce début de juin 2019 pas mal de codes artistiques. Présentée sur les planches du Caudan Arts Center à Port-Louis, le jeune metteur en scène a réussi à faire le lien entre la pièce de Sophocle, écrite en 441 avant J.-C., et le monde contemporain, avec un crochet par 1944 pour s’imprégner de l’adaptation de Jean Anouilh.

Sa transposition est organique. Les spectateurs n’ont qu’une expression à la bouche. Adaptation surprenante, particulièrement réussie. Faire interpréter Sophocle à de très jeunes comédiens en apprentissage à la fondation ArtIs était un pari risqué. Avec l’aide de son complice, Stanley Harmon, qui l’a assisté à la mise en scène, Alessandro Chiara a livré là un théâtre qui nous questionne. Antigone, refusant la loi des hommes, s’oppose au roi Créon et repousse la Raison incarnée par Ismène. Mais dans cette version revisitée, la révolte dépasse les limites du simple drame. Sur la forme également, le spectateur est convié à une sorte de résistance artistique, car Alessandro Chiara affirme vouloir nous laisser un « caillou dans la chaussure ».

Dans cette adaptation provocatrice, les rôles des deux soeurs, Antigone et Ismène, sont incarnés par deux jeunes hommes. L’un est un adolescent rebelle d’aujourd’hui, habillé dans le style rockeur, et pourtant attaché aux valeurs du coeur: il veut enterrer le cadavre de son frère Polynice afin que « son âme n’erre pas pour l’éternité » ; l’autre, en costume drapé pour faire écho à la Grèce antique, est débordant de sagesse et tente de le ramener à la raison, autrement dit à la loi des hommes. Tous deux affrontent un Créon quasi bipolaire, engoncé dans son costume royal, qui a averti par un édit que quiconque osera enterrer le corps de Polynice, un renégat à ses yeux, sera puni de mort.

[…]

Cet article vous plaît ?

Abonnez-vous ou achetez le numéro #5 d’Indigo pour continuer à lire et découvrir tous les articles!