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Extraordinaires femmes ordinaires de la Réunion

Julie T. [1]

Julie a 49 ans et elle est née dans le Sud de l’île. Elle y vit toujours. Je reste vague au sujet de la localisation car elle ne veut surtout pas être reconnue.

L’histoire de Julie est l’histoire d’une enfance ordinaire, baignée dans un catholicisme étouffant, celle d’une adolescence fracassée et d’une longue et très lente renaissance.

Ses quatre grands-parents sont des yabs[1] des bas. Toutefois, il ne suffit pas d’avoir la même couleur de peau et des origines semblables pour que les choses se passent bien. En effet, les grands-parents paternels de Julie, des paysans qui travaillent une terre qui ne leur appartient pas, se montrent mécontents de l’épouse que leur fils a choisie : ils la jugent trop pauvre. Elle n’est pas un bon parti. Cela explique pourquoi Julie n’a pratiquement pas de contacts avec ses grands-parents paternels. Vers l’âge de douze ans, son père amène de temps en temps Julie et ses frères et sœurs pour les rencontrer mais la mère est exclue de l’expédition. Elle les trouve assez gentils, mais sévères et n’a pas beaucoup d’échanges avec eux. Il s’agit aussi d’une époque où les enfants doivent se taire et rester sagement dans leur coin -ce qui n’est pas propice au développement de l’attachement intergénérationnel. En vieillissant ils ont tout de même un peu mieux accepté leur belle-fille et se sont un peu départis de leur rigidité.

Ces grands-parents paternels ont cinq enfants. Ils vivent avec une de leurs filles, la tante de Julie, qui dirige la maison d’une main de fer. Cette tante semble joviale mais cache une face sombre. En réalité, toute cette famille, rongée par la jalousie, pratique la magie noire et s’adonne à la sorcellerie. Malgré une pratique religieuse assidue, la famille entière aime faire du mal aux autres. « On » accusera les tantes d’avoir joué un rôle délétère dans la mort du père de Julie et même dans une maladie grave qui a affecté son frère.

En aparté, je dois dire, que le recours à la sorcellerie, que ce soit chez les yabs, catholiques ou chez les malbars hindouistes est encore très présent à La Réunion. Il m’est arrivé, personnellement, d’avoir affaire à un kinésithérapeute qui a voulu soigner mes douleurs de dos, grâce à des pratiques magiques. Il a essayé de me convaincre que l’on m’avait jeté un sort et prétendait « voir » les esprits maléfiques autour de moi. Je n’ai pas dénoncé ce charlatan à la sécurité sociale, mais il l’aurait mérité. Comme je suis solide et athée, cet homme n’avait aucun pouvoir sur moi, mais une personne plus vulnérable ou un enfant aurait pu croire à toutes ces fariboles. Je précise qu’un « vrai » kiné m’a très bien soignée !

Julie, lorsqu’elle est toute petite n’a pas de souvenirs de ces pratiques obscures. C’est au début de son adolescence qu’elle est confrontée pour la première fois à une situation anormale. Un matin, en ouvrant la porte de la maison, elle trouve sur le palier un cœur de bœuf piqué d’aiguilles. Effrayée par cet objet répugnant, elle se tourne vers sa mère qui lui explique que cela signifie qu’une personne leur veut du mal. Elle prend conscience à ce moment-là que quelqu’un de leur entourage proche veut que sa famille souffre. Julie commence à avoir peur. Peu à peu, dans sa tête, s’insinuent des pensées angoissantes. La sorcellerie rentre dans son être, elle se sent hantée par la crainte d’être envoûtée. Face à cet événement, elle voit sa famille se réfugier frénétiquement dans la prière. Elle aussi s’adresse à Dieu avec ferveur.

Les grands-parents maternels sont très pauvres parce que le grand-père de Julie est décédé jeune : sa mère n’avait que deux ans et sa grand-mère a dû faire face seule à l’éducation de ses sept enfants. Cette grand-mère était une femme très énergique qui rendait service à droite et à gauche aux uns et aux autres pour récolter quelques pièces. Elle avait aussi un fort caractère, et ne mâchait pas ses mots : elle disait tout ce qu’elle pensait, haut et fort et ne se gênait pas pour faire de la peine. D’ailleurs elle avait la fâcheuse habitude, en présence de ses petits-enfants, de critiquer leurs propres parents : elle avait l’impression, en dénigrant ses enfants, de se valoriser elle-même. En revanche, elle appréciait beaucoup le père de Julie car celui-ci avait sorti une de ses filles de la misère et aidait matériellement un peu tout le monde car il était fonctionnaire -ce qui, à La Réunion, correspond à une forme de classe privilégiée-. Cette grand-mère a laissé à Julie un souvenir mitigé : elle était brutale, se plaignait sans cesse. Si on voulait lui faire plaisir, elle méprisait les marques d’affection : il lui est même arrivé de jeter des cadeaux reçus par la fenêtre. Elle aussi était très dévote et passait son temps à la messe et dans la prière. Pourtant, elle aussi trempait dans de sombres pratiques de sorcellerie : mue par la jalousie elle faisait tout pour nuire à ceux dont elle enviait le mode de vie.

Un jour, Julie découvre, en faisant le ménage, un carnet appartenant à son père et dans lequel il notait les formules magiques qu’il utilisait lui-même. Julie est horrifiée et terrorisée par cette découverte. Son ciel s’obscurcit encore un peu. Elle se met à haïr son père car elle en a une peur bleue. Elle comprend de moins en moins ce qu’il se passe autour d’elle : d’un côté sa mère l’exhorte à prier sans relâche, lui serine que Dieu voit tout et qu’il connaît les pensées les plus troubles qui pourraient lui venir. Julie, jeune adolescente a une relation à la religion ambiguë : elle y trouve un certain réconfort, mais cela génère aussi chez elle une perpétuelle peur de mal faire et d’être punie, que la foudre divine s’abatte sur elle

Elle a fait sa communion et sa confirmation. A la Réunion, ces deux étapes dans la vie religieuse des enfants catholiques sont des étapes très importantes qui sont extrêmement valorisées par les familles : ce sont des « festins[2] » qui durent plusieurs jours. Elle me montre les photos de ces deux événements : elle est vêtue comme une jeune mariée de robes de dentelles blanches, longues, et porte sur la tête une couronne de fleurs. Il s’agit d’exalter la virginité de ces jeunes filles avant qu’elles ne parviennent à l’âge adulte.

C’est juste après sa confirmation que le monde de Julie déjà perturbé par des pratiques religieuses ambivalentes et sclérosantes s’écroule et qu’un premier drame vient saccager sa jeunesse.

Elle est assez bonne élève et a, en classe de quatrième, un professeur de français qu’elle aime bien, qui l’impressionne par son charisme et sa bienveillance. Elle éprouve pour lui une sorte de fascination qu’elle intériorise. Un jour, alors qu’un événement sportif doit avoir lieu à la piscine et que les élèves de la classe doivent s’y rendre par leurs propres moyens, ce professeur lui propose de l’emmener. Elle lui fait totalement confiance et n’hésite pas. Mais ce professeur ne l’emmène pas à la piscine où a lieu l’événement festif, il l’emmène chez lui. Julie est toute jeune et vient d’un milieu peu ouvert. On ne parle pas de sexualité. A l’école, elle n’a pas encore suivi les cours qui auraient pu l’informer. Elle ne sait rien de ce qui concerne le sexe. Le corps est tabou dans son environnement. Lorsque son professeur l’étend sur son canapé et la viole elle ne comprend pas ce qu’il lui arrive. Elle est tétanisée, dans un état de sidération absolu qui l’empêche de se défendre et même de parler ou de bouger ; elle pleure. Après le viol, le professeur la renvoie chez elle. Plus tard il lui dira que « tout est fini entre eux ». Julie ne comprend pas vraiment ce que cela veut dire. Elle a l’impression que les sentiments d’admiration qu’elle éprouvait pour cet homme sont saccagés au même titre que l’a été son corps. Elle apprend que la femme de ce professeur est enceinte et ce qui la révolte le plus est qu’elle sait que cet homme est fortement engagé religieusement. Cela commence à ébranler sa foi. Mais évidemment, Julie ne porte pas plainte contre son violeur. Elle est d’ailleurs bien incapable de mettre le mot « viol » sur la scène subie. C’est longtemps après, après avoir suivi de nombreuses thérapies qu’une psychologue l’aidera à mettre des mots sur cette violence qui a gâché sa vie de jeune fille. Elle ne parle pas de ce qui lui est arrivé. Elle a horriblement honte. Elle se sent coupable mais elle ressent aussi une terrible colère, une agressivité sourde, se met à faire des crises de spasmophilie. Ses parents déduisent de ses nouveaux comportements qu’elle est devenue caractérielle. Julie le vit comme une terrible injustice. Elle est piégée dans un conflit paradoxal se sentant simultanément victime et coupable. Elle commence à prendre du poids et c’est le début de son obésité.

Quelques années plus tard, alors qu’elle passe son bac, ses parents accueillent une jeune fille de l’assistance publique qui a été retirée à sa famille pour cause d’inceste. Julie est révoltée. Elle en veut à cette jeune fille parce qu’elle la considère comme une usurpatrice. Elle aurait voulu que ses parents se rendent compte du drame qu’elle a vécu, qu’elle aussi puisse nommer ce qui est pour elle indicible, innommable. Elle est jalouse du fait que ses parents se soucient davantage de la jeune fille qu’ils ont recueillie que de leur propre fille dont ils sont incapables de deviner la détresse. Dans sa famille, de toute façon, les enfants n’ont pas droit à la parole. On ne les écoute pas. Seuls les adultes ont le droit de s’exprimer.

D’ailleurs le milieu dans lequel baigne la famille est un milieu pauvre culturellement : on ne lit pas, on ne s’intéresse pas au monde de l’art, des idées ou de la création. La musique se résume aux chansons d’Edith Piaf, de Jacques Brel et des Jokary[3]. Toutefois le père, qui est de droite, est très respectueux des informations qu’il écoute chaque jour avec intérêt et déférence et oblige toute la famille à suivre le journal télévisé pendant le repas du soir, ce qui empêche toute conversation familiale. Le mercredi après-midi, les enfants ont droit au Club Dorothée et le samedi soir, la série « Dallas » et l’émission « Champs Elysées » sont prisées.

La haine de Julie pour son père s’intensifie. Elle n’a plus confiance en lui, bien que ce dernier soit un homme généreux qui aide volontiers les gens de son entourage et soutient activement son club de foot. Il meurt de la suite d’un AVC qui l’a laissé hémiplégique et après lequel il s’est laissé mourir en quelques mois. Les pratiques de sorcellerie de ses sœurs ont-elles joué un rôle ? Julie s’interroge. Même si sa mère est plus positive, si elle a tout fait pour contrecarrer l’influence négative de ce père, elle n’a pas su comprendre sa fille et n’a pas su l’aider à sortir de ses enfermements mentaux. Elle n’avait épousé son mari que pour sortir des griffes de sa mère. D’ailleurs, très peu de temps après sa mort, elle retrouve un amoureux d’enfance.

Après son bac, Julie décide d’aller faire des études de géographie à la fac à Saint-Denis. Elle veut surtout sortir de son milieu familial. Elle s’est aussi engagée dans le scoutisme et cela s’est avéré une bonne idée car la découverte de ce milieu est salvatrice. Pendant trois années, elle est scoute puis devient cheftaine. Mais elle constate que le scoutisme, c’est encore de la religion : la messe, les prières. A un moment, elle envisage même de devenir nonne, pour se consacrer à Dieu -et fuir les hommes !

Elle se fait des amis, commence à sortir. Malheureusement, une de ses premières relations avec un camarade se termine mal lorsque ce dernier découvre qu’elle n’est plus vierge. Julie n’a pas le courage de lui raconter la vérité et se sent terriblement humiliée par cette première expérience.

Mais la fac n’est pas du tout l’endroit idéal pour Julie : très encadrée scolairement jusqu’au bac, elle n’est pas préparée à travailler et à vivre seule. Tout d’un coup, elle a trop de liberté et ne sait pas comment l’apprivoiser. Scolairement, elle ne fait absolument rien pendant sa première année. Elle se réinscrit l’année suivante puis ira jusqu’au DEUG qu’elle ne terminera jamais.

Après cette expérience universitaire ratée, aidée par le CNARM[4], comme elle est sur liste d’attente au concours d’entrée à l’école d’infirmière, elle est envoyée en métropole à Dieppe dans une école réservée aux filles venant des DOM-TOM. Elle est reçue dans la région parisienne. Mais sa première année est difficile. Elle se sent seule, trop sensible et finit par craquer. Elle arrête ses études et rejoint un ami à Lyon. Ils se mettent en ménage. Julie fait des petits boulots, à Quick, à Lidl puis passe le concours d’aide-soignante qu’elle réussit. Mais le couple bat de l’aile et l’histoire finit mal : le compagnon de Julie la trompe avec une toute jeune fille. Cela la renvoie à son traumatisme originel. Elle fait une grave dépression et est prise en charge par un centre médico-psychologique. Dans ce centre, elle reçoit le conseil de rentrer à La Réunion. C’est ce qu’elle fait, mais elle le vit comme un échec et même si sa mère est heureuse de la retrouver et de pouvoir exercer à nouveau son emprise sur elle, pour Julie, c’est très dur de retrouver le giron familial. Elle s’interroge de plus en plus : que fait ce Dieu pour elle ? Pourquoi ce Dieu, qui en principe devrait lui vouloir du bien, laisse-t-il faire le mal ? pourquoi ne la protège-t-il pas ?

De retour chez ses parents, elle doit à nouveau se conformer aux rites religieux contraignants : ne pas manger de viande le vendredi, ne pas s’asseoir sous certains arbres à cause des âmes malveillantes qui rôdent, ne pas sortir en novembre, le mois des morts, aller sur des tombes régulièrement, respecter les rituels associés aux fêtes de Pâques, de Noël.

Elle tente alors un concours d’auxiliaire de puériculture qu’elle réussit. Plus tard, elle trouve un poste d’aide-soignante dans la terrible période où le chikungunya sévit à La Réunion et pendant laquelle un quart de la population est malade. Elle rejoint un organisme qui l’emploie à prodiguer des soins à domicile. Elle se trouve un appartement.

Le travail lui convient, elle se fait des amies et sort danser dans des boîtes de nuit, ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant. Lors d’une de ces soirées, elle rencontre un jeune homme qui ne lui déplaît pas, mais Julie ne connaît pas vraiment les « codes » et est aussi très naïve. Lorsqu’il la raccompagne et comme c’est déjà le matin, elle lui propose de venir boire un café chez elle. Mais le cauchemar vécu dans l’enfance se renouvelle. Le jeune homme la viole. A nouveau, Julie ne réagit pas, se laisse faire, incapable de dire ou de faire quoique ce soit pour se défendre. Naturellement, encore une fois, elle ne porte pas plainte : tout est de sa faute. Elle n’aurait pas dû l’inviter chez elle. Mais à partir de ce moment-là, elle aura peur de tous les hommes qu’elle considère comme des prédateurs, obsédés par le sexe.

S’en suivent plusieurs dépressions et plusieurs tentatives de suicides. Elle est d’abord suivie pendant plusieurs années par un psychiatre mais ce dernier est totalement inefficace. Il la renvoie à la religion, lui donne des médicaments car elle a été diagnostiquée « maniaco-dépressive » – Aujourd’hui on dirait « bipolaire ». Ce psychiatre est tellement peu utile que pendant toutes les années pendant lesquelles elle ira chez lui, jamais elle n’aura le courage de lui parler de ce qu’il lui est arrivé.

A plusieurs reprises, elle est envoyée à la clinique des Flamboyants et là, elle rencontre des équipes efficaces qui vont peu à peu la mettre en confiance. On lui conseille de changer de psychiatre, ce qu’elle fait. Elle est suivie par une femme qui met en place un autre traitement et qui surtout l’aide à mettre des mots sur les accidents qui ont abîmé sa vie. Elle sait également s’entourer d’amies, d’infirmières, de psychologues dévoués qui vont l’aider pendant ses années de thérapie. Elle se sent libérée de pouvoir parler et gère bien son traitement. Plus tard, le mouvement « me-too » a pour effet de lui montrer qu’elle n’est pas la seule, loin de là, à avoir vécu des relations difficiles avec les hommes. Elle se met à tenir un « journal de la souffrance » qui lui permet d’exorciser ses angoisses en les mettant noir sur blanc, avec des mots qui ne se cachent plus.

Reconnue comme handicapée, elle peut travailler dans la sérénité. Elle déménage et trouve un logement clair et lumineux. Ce logement doit accompagner sa renaissance.

Elle commence à marcher avec un groupe et se réjouit de partager un effort collectif tout en découvrant les beautés de la nature dans l’île.

Depuis une quinzaine d’années, Julie a rejoint une bonne troupe de théâtre. Au début elle y a été incitée par une amie qui finalement n’est pas restée alors que Julie s’est acharnée. Les débuts ont été très difficiles : elle était pétrifiée sur la scène. Heureusement, le metteur en scène a eu la finesse d’esprit de lui confier un tout petit rôle et elle s’en est bien sortie. Au fil des années, elle a acquis de l’expérience, a appris à gérer ses émotions, à goûter à l’excitation de la scène et à prendre confiance en elle et en ses capacités de comédienne. Récemment, je l’ai vu jouer : elle était très amusante et très juste.

Mais cette incursion dans le monde du théâtre n’est pas seulement le jeu c’est aussi la découverte d’un autre milieu que celui de son milieu d’origine. C’est la rencontre avec la culture et l’ouverture aux autres. Elle se met à lire, à aller au cinéma, à échanger des idées. Cela lui permet de voir le monde sous un autre angle. En effet, les comédiens appartiennent à un milieu social plus favorisé, plus intellectuel que le sien et cela l’incite à comparer, à apprendre toujours davantage. Elle éprouve de la gratitude envers la troupe de théâtre qui lui apporte tant sur le plan de l’équilibre psychique et est reconnaissante envers le metteur en scène de lui avoir fait découvrir ce monde et de l’avoir tout simplement ouverte au savoir.

Julie essaye de sensibiliser sa famille et ses amis au théâtre mais elle a l’impression que c’est peine perdue et que les créoles qu’elle fréquente ne s’intéressent qu’aux séries américaines ou latinos à l’eau de rose et cela la chagrine.

Julie se met aussi à fréquenter des « métropolitains » et constate que la plupart d’entre eux n’ont pas de religion, n’honorent aucun Dieu, ne respectent aucun rite. Elle voit que cela ne les perturbe pas, qu’ils n’ont pas besoin de ces croyances. Elle a aussi une amie créole qui ne se soucie ni de Dieu ni des « ladilafé[5] » et qui vit à cent à l’heure, toujours de bonne humeur. Julie réalise qu’elle a subi un lavage de cerveau qui a pollué son enfance. Elle observe que de nos jours, de plus en plus de jeunes ne s’embarrassent plus du carcan religieux d’autrefois, que certains yabs pratiquent des marches sur le feu comme les hindouistes, que certains malbars pratiquent le Qi gong, que des amoureux ayant des religions différentes arrivent à s’entendre et même que certains cumulent plusieurs religions tandis que d’autres ne croient plus en rien du tout. Julie sourit en me disant que Marx considérait que la religion était « l’opium du peuple » et elle se demande s’il n’a pas un peu raison. Désormais, pour elle, il s’agit de trouver sa propre voie, son propre chemin : elle doit fortifier son champ de réflexions, voir ce qui lui convient, ce qui lui réussit sans y mettre d’arrière-pensée divine ou satanique. Elle doit continuer à se construire sans œillères, sans influences et entamer la longue route qui s’ouvre à elle.

Elle a placardé sur son frigo la devise suivante : les plus belles années d’une vie sont celles que l’on n’a pas encore vécues…

Brigitte Finiels : propos recueillis en juillet 2021

 

[1] Créoles blancs, modestes.

[2] Fêtes

[3] https://www.tifleurfanee.re/reprises-par-les-jokary/

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Comit%C3%A9_national_d%27accueil_et_d%27actions_pour_les_R%C3%A9unionnais_en_mobilit%C3%A9

[5] Le qu’en dira-t-on